Pauvre Miss-Trois… Entre les coutumes folklo rapportées de Chine, de nouvelles traditions thaïes qu’il fallait tester à tout prix, et une Maman qu’émoustille l’innovation infantile, rien n’aura été épargné à la malheureuse enfant!
Pour nous, en revanche, ça aura été plutôt facile, proportionnellement… En tant que parent, j’ai eu le sentiment d’une plus grande liberté, pour ce troisième bébé. Liberté de piocher ce qui nous convient. Dans toutes les méthodes connues et inconnues. Dans les méthodes françaises, les méthodes chinoises, les méthodes thaïes… Ou sans méthode. Liberté par rapport à moi-même et au regard des autres. On laisse tomber ce qui ne nous va pas. Et on continue sans besoin de se justifier ou de culpabiliser.

Un bébé emmailloté
C’est emmaillotés que sont livrés les bébés, en Chine et en Thaïlande. Ils naissent. (Tout nus, bien sur.) Un poil de peau à peau. Et hop, une puéricultrice les choppe, les pèse, les débarbouille, et les rend tout saucissonnés, avec juste le nez qui dépasse.
Pour la photo de son passeport, prise au lendemain de sa naissance, Miss-Trois est d’ailleurs emmaillotée dans un grand lange blanc. Sur fond blanc, ça donne l’impression bizarre d’une tête qui flotte toute seule.
Miss-Trois a apprécié l’emmaillotage. Elle se sentait rassurée par ce voile de coton léger, bien serré autour du corps. Elle dormait mieux ainsi. Avoir les bras bloqués ne lui plaisaient pas en revanche. On les a très vite sortis, au grand dam des infirmières de la maternité, puis de notre nounou, qui essayait de les lui re-coincer discretos.
Avec les velléités de mobilité de notre Miss-Trois qui grandissait, nous avons ensuite libéré ses pieds, et seulement enserré le torse.

Cet emmaillotage à la diable aura duré cinq mois. Sous la gigoteuse, même, lors de nos vacances en France. Il aura parfaitement comblé les besoins de notre bébé, visiblement né avec un gène asiatique du confort.
Un bébé de Thaïlande qu’on devait langer…
Petit-Un avait porté des couches lavables à temps partiel. Question de conviction.
Puis Petit-Deux avait porté des couches lavables à temps plein. Question d’allergies.
Quelques semaines avant la naissance de Miss-Trois, j’ai donc ressorti mon tas de couches du placard. Je les ai regardées. Elles m’ont regardée. Et j’en ai eu marre, rien qu’à les voir. J’en avais assez lavé comme ça, de couches. Tant pis pour l’écologie. On ferait en jetable, pour cette fois-ci! (Et je ne suis pourtant pas à plaindre car notre nounou lave une grosse partie des couches.)
Mais c’était sans compter notre nounou, justement. « Ah non, il fait trop chaud en Thaïlande! Votre bébé va avoir les fesses toute rouges! Ca macère vite ici! »
Elle m’a convaincue. J’achèterais seulement des couches jetables pour les premières semaines, alors. Parce que le méconium ça colle. Et que les couches en tissus de notre collection étaient trop grandes, de toute façon. « Surtout pas malheureuse! Les fesses d’un nourrisson, sont plus fragiles encore! Il lui faut des langes! Vous n’inquiétez pas, je vous apprendrai comment ça marche! »
Je suis bien influençable. Là encore, je me suis laissée convaincre. C’est comme ça que je me suis retrouvée à acheter des langes. Il n’y avait que du bleu et du rose, alors par esprit de contradiction j’ai pris du bleu. Et la nounou m’a regardé de travers. « Qu’est ce que les gens vont penser?… »

Mais il y avait une faille dans cette organisation… Au soir du retour de la maternité, je me retrouve avec Miss-Trois qu’il faut changer… notre nounou qu’on venait poliment d’inviter à partir… des langes dont je ne savais pas me servir… et pas de couches en taille nouveau-né. Heureusement, en grattant les fonds de sacs, Papa-Tout-Terrain a retrouvé des échantillon de la maternité. Mon sauveur!
Un bébé langé, entre théorie et pratique
Bref, le lendemain, j’ai eu mon premier cours de langeage. En vrai, ça faisait longtemps que notre nounou n’avait pas langé un bébé. En tout cas elle ne s’en souvenait pas très bien. On a fait un triangle, un nœud, puis posé l’enfant propre sur son lit propre.
L’avantage des langes, c’est qu’ils ont une alarme intégrée. Dès que bébé fait pipi, il a froid aux fesses et pleure. C’est bien pratique. Bref, deux minutes plus tard, Miss-Trois nous appelle. Elle est mouillée. Et le lit aussi. Une belle flaque. Zut! Vous êtes sûre que c’est comme ça que ça s’utilise les langes? « Oui, bien sûr. Mais il faut garder le bébé dans ses bras. Comme ça, ça ne mouille pas le lit. »
C’est vrai que dans les standards, ici (et en Chine), on laisse rarement un bébé seul. La nounou ou la grand-mère l’a toujours dans les bras. Sauf que je trouve ça idiot de tenir la jambe à un bébé qui dort bien tout seul… surtout si c’est pour éviter qu’il ne mouille son lit.

Dans ma grande ingéniosité, j’ai donc sacrifié une alèse pour en faire de petits supports imperméables, qu’on déplaçait avec Miss-Trois.
Logistiquement, les langes n’ont pas été aussi compliqués que je ne le craignais. Finalement, un bébé ça fait pipi tout le temps, et on passe toujours des plombes à le changer. On y a donc passé du temps, mais pas plus qu’avec des couches normales. Et surtout, grâce à une bonne ventilation de son royal popotin, Miss-Trois n’aura jamais eu la moindre irritation!
Un bébé qui tête sa Maman
Pour Miss-Trois, l’allaitement maternel était une évidence. Tout avait bien roulé pour les deux aînés: pas besoin de réinventer la poudre! Avantage supplémentaire, à l’étranger, l’allaitement maternel réduit pas mal d’aléas, et ça n’a pas de prix!
Petit-Un était né en Chine juste après le scandale du lait à la mélamine. Même si je lis le chinois, j’étais incapable de m’assurer avec certitude des provenances et traçabilités des laits en poudres. Quand notre ainé est passé en allaitement mixte, nous avons fait venir tout son lait de France. Au début par valises complètes. Puis il y a eu des restrictions des douanes chinoises: pas plus de deux boites de lait par voyageur. Il faut bien protéger les industries nationales. Imaginez le stress de l’approvisionnement, en comptant les doses et en faisant attention de ne pas gaspiller…
S’il n’y a pas eu de scandale sanitaire en Thaïlande, ni Papa-Tout-Terrain ni moi-même ne lisons le thaï. Aussi sommes-nous incapable de connaître les compositions et les contenus des produits que nous achetons. Là non plus, je ne trouve pas ça totalement rassurant…
Par ailleurs, pour nous qui aimons partir souvent en vadrouille, l’allaitement maternel est un vrai gain pratique. On va n’importe où à l’improviste, sans dosettes, sans l’eau qui va bien ou la vaisselle à faire. Grâce à cette flexibilité, dès les onze jours de Miss-Trois, nous repartions en balade!

En regard, la société thaïe est très tolérante et même encourageante, vis-à-vis des Mamans allaitantes. Faire téter (discrètement) en public un bébé est normal et donne même souvent droit à un mot gentil d’une Mamie qui passe par là. La plupart de mes collègues thaïes ont allaité leur bébé jusqu’à un an, et parfois jusqu’à la scolarisation. Et du coup, tirer son lait au travail est même une pratique très courante.
Stupéfaction devant l’usage du rot
A l’issue d’une belle tétée, une petite pirouette sur l’épaule de Maman et hop, un long rot vient mettre un point d’honneur suprême au festin!
Je vois Khun Nee s’étouffer. Notre nounou lui a pourtant bien dit de tenir sa langue mais voilà, c’est plus fort qu’elle. Elle explose. « Mais vous ne pouvez pas tenir votre bébé comme ça! » C’était un cri du cœur. Je la regarde hébétée. Qu’est-ce qui ne va pas encore? Cette fois-ci je n’ai rien fait de mal…
« Les bébés, il faut les garder couchés! » Euh, ben oui, mais pour le rot je fais comment alors? Ca n’est pas très net, du coup. On fait le rot couché sur le dos. Ou pas de rot. Mais même soutenu, on ne met pas bébé à la verticale!
Dans le même ordre d’idées, d’ailleurs, j’ai suscite énormément de curiosité et de questions en couchant Miss-Trois sur mon avant-bras, pour la soulager de ses coliques! Je crois bien que personne n’avait encore jamais vu ça!
Bain et tergiversations culturelles
A la naissance, nous avions interdit à quiconque de laver notre nourrisson. Ce n’est pas très français comme méthode, mais Die Franzoesin m’a appris que c’était la norme en Allemagne. A nos yeux, le bain est un peu agressif pour un petit bébé tout juste né, et qui doit déjà s’habituer à des tas de changements. Les infirmières ont trouvé ça bizarre, mais l’avantage d’un hôpital cinq étoiles, c’est qu’elles ont été bien briffées pour garder leurs impressions pour elles.
De retour à la maison, bien sûr, notre nounou a voulu laver Miss-Trois tout de suite. Hors de question! Ce bébé restera sale! Frémissement d’inquiétude. « Mais vous allez en faire un enfant tout chétif… » Loin des conceptions françaises, j’ai alors appris que le bain est vu comme un fortifiant naturel, en Thaïlande. Et qu’on donne plutôt le bain deux voire trois fois par jour aux nourrissons.
Miss-Trois a (enfin!) eu son premier bain vers une semaine. Puis de temps en temps, puis de façon plus rapprochée, à mesure qu’elle s’éveillait et prenait plaisir à l’activité.
En parallèle, suivant la méthode de notre nounou de Chine, nous lui avons rapidement lavé les fesses au robinet, au moment des changements de couches. C’est finalement assez pratique, rafraîchissant sous nos latitudes, et impeccable pour éviter les irritations du siège.
A neuf mois, Miss-Trois bénéficie aujourd’hui de deux bains par jour. Avec du savon une fois par semaine. Car maintenant qu’elle bouge beaucoup, et à toute allure, elle devient vite moite de notre climat humide et chaud et qui colle à la peau. Je ne sais pas s’ils la rendront plus solide, mais à coup sûr, ces bains réguliers sont des éléments importants pour son bien-être au quotidien.

A la découverte des traditions post-partum en Thaïlande…
Je finis par un mot des traditions post-partum en Thaïlande, qui ne sont pas directement liées aux soins du nouveau-né, mais méritent tout de même une mention. Comme en Chine, la jeune Maman est très fortement incitée à se reposer, plutôt que de s’occuper de son bébé. Par bonheur cependant, l’alitement strict n’est pas exigé. Autant j’avais beaucoup été montrée du doigt alors que je sortais mon jeune bébé en Chine, autant en Thaïlande, je n’ai eu aucune remarque. Tant mieux d’ailleurs, car avec la baisse d’hormone qui suit l’accouchement, je m’en serais promptement agacée.
En revanche, notre nounou, mais aussi des dames que-je-ne-connaissaient-pas-et-qui-passaient-à-l’improviste-pour-presenter-leurs-respects-à-Miss-Trois, m’ont indiqué toutes sortes de nourritures, de boissons et de potions destinées à me remettre sur pieds. J’ai été abreuvée de tisanes au gingembre, qui remettaient l’utérus à sa place, à sa taille, aidaient à la production de lait et sans doute à guérir des verrues plantaires. Même Papa-Tout-Terrain en a eu!
On m’a aussi recommandé la noix-de-coco fraiche et la papaye. Mais surtout pas de banane. La banane post-partum, c’est mal. En revanche, et c’est très décevant: personne n’a été capable de m’expliquer pourquoi…
… Quand il faut à tout prix faire dégonfler la Maman…
J’ai gardé le pire pour la fin (… et un vrai traumatisme, je crois.) A chaque visite de commères, mon ventre et mes bourrelets ont systématiquement été observés et jaugés avec la plus grande attention. Une dame a même entrepris de tâter. (Et réussi.) Mais ça a été la seule et l’unique. Curieusement, à la suite de cet incident, plus personne n’a été tenté de recommencer.
On trouvait que je dégonflais trop lentement. « Vous avez mis de l’eau salée sur votre ventre? » Ah non, ça non. Mais non merci, hein. « C’est donc pour ça! Je le savais! C’est très simple, je vais vous expliquer. Vous prenez un sac congélation, et vous mettez de l’eau et du sel dedans. » Non, non, non, merci, je vous assure tout va bien. Et depuis l’hémorragie j’ai pas trop envie de me titiller l’utérus non plus, vous savez… « Et après vous mettez le sac sur le ventre. Je vais vous faire une ceinture pour bien le tenir serré. De toute façon, en restant au lit toute la journée ça ne bougera pas Vous verrez, vous allez dégonfler!… Ne vous inquiétez pas: pendant ce temps la, nous nous occuperons bien de votre bébé… »
Aussi farfelu qu’il ne puisse paraître, le conseil était tout de même très sérieux, et le soin m’a bien été proposé quatre ou cinq fois par des personnes différentes. Je n’ai pas cédé. Neuf mois plus tard j’ai encore mes bourrelets. En fait, j’aurais peut-être dû accepter, finalement?…